Parlons de suspensions…

Je suis sûr que tu t’attendais à avoir un bel article aujourd’hui sur le montage des ressorts neufs sur les suspensions de la katoche. Hé bien non, raté, je te fais encore patienter un peu 😉

Aujourd’hui, j’avais envie de te faire un article utile (ou inutile selon tes connaissances) sur les suspensions. Je voulais qu’on rentre un peu dans le vif du sujet afin que tu comprennes les différents éléments qui la compose et surtout les différents réglages qu’on peut lui apporter.

En fait, que ce soit sur voiture ou moto, une suspension est composée de 2 éléments fondamentaux : un ressort et un amortisseur. Ces deux éléments sont plutôt simples à visualiser, ici sur la voiture où le ressort est intégré dans la partie supérieure de l’ensemble :

Amortisseur voiture

Et sur un amortisseur moto ci-dessous, la conception est semblable :

Amortisseur WP PDS 5018 DCC qui équipe ma 350 EXC-F de 2015

Côté fourche, c’est la même chose, sauf que le ressort est à l’intérieur. Si on reprend cette image de la WP 4CS, tu verras que la conception est semblable :

Ici on remarque le ressort positionné sur la partie haute de la fourche, sur d’autres fourches il est en bas.

Avant de te parler des réglages, je dois te parler du rôle des deux éléments cités plus haut.

  • Ressort :  Le ressort est l’élément principal d’une suspension qui va conditionner fortement le fonctionnement de l’amortisseur (et vice versa).

D’un point de vue purement mécanique, un ressort est une spirale en métal qui a plusieurs spécificités et notamment une caractéristique de raideur souvent exprimée en N/mm (Newton / millimètre), cette dureté est en quelque sorte sa capacité à résister à l’effort qu’on lui inflige lorsqu’on le compresse. Par exemple un ressort de 4N/mm va s’enfoncer de 1 millimètre lorsqu’une pression de 4 Newtons lui est infligé ! Évidemment cette énergie emmagasinée par le ressort est restituée lors de la détente pour que le ressort reprenne sa position initiale. Sur n’importe quel ressort droit (non conique donc), cette propriété de raideur reste constante, c’est à dire qu’elle ne change pas durant toute la phase de compression / détente. Pour reprendre l’exemple plus haut, s’il faut 4 Newtons pour enfoncer le ressort d’1mm, il en faudra 40 Newtons pour l’enfoncer de 10mm, etc…

Le ressort étant un élément avec une caractéristique technique « fixe », il devient de facto un élément sensible au poids de l’ensemble à suspendre. En effet, dans la condition nominale du véhicule sur route équipé de son pilote, le ressort doit être en contrainte afin que le débattement de la suspension puisse fonctionner correctement dans les 2 sens (détente et compression).

Imagines un ressort trop raide, il aura très peu de détente en condition nominale et il faudra lui infliger énormément de force pour le compresser. A l’inverse, un ressort pas assez raide sera déjà trop comprimé en position nominale, il va se comprimer trop rapidement sans besoin de beaucoup de force et il aura un très grosse détente…

Et ce phénomène ci-dessus est bien plus flagrant sur une moto que sur une voiture. Mais pourquoi ? Hé bien c’est simple, tout est question de proportions et de tolérances prévues par les constructeurs.

Sur une voiture d’environ ~1,7T, le poids d’un conducteur de 75kg représente environ 4,4% du poids de la voiture et reste quelque chose de simple à intégrer dans les tolérances de fonctionnement par les constructeurs automobiles.

Sur une moto, cette impact de poids pilote n’est pas du tout le même. Par exemple sur une moto d’environ 110kg avec avec un pilote de 75kg, son poids représente 68,2% du poids de la moto !! Et là tu vas me dire : ouais ben les constructeurs n’ont qu’à inclure le poids pilote dans leur calculs ?

Oui, tout à fait, tu as raison et c’est ce qu’ils font !! Cependant si on prend par exemple une augmentation de 10kg du poids du pilote, cela représente une augmentation de l’ordre de 0,6% du poids pour la voiture et 9,1% du poids pour la moto. Autant 0,6% d’augmentation est quelque chose de tolérable dans une configuration auto de Mr tout le monde, autant avec 15x pour la moto d’enduro, l’impact est trop important pour se permettre d’avoir une suspension fonctionnelle dans les meilleurs conditions !!!

C’est la raison pour laquelle nos chers constructeurs moto d’enduro ne pouvant se permettre d’avoir des ressorts trop durs ou trop souples, proposent des configurations de poids différentes avec les ressorts à remplacer selon les conditions. Chez KTM lorsque tu achètes une moto neuve celle-ci a une configuration pour un poids pilote + équipement dans la plage des 75kg à 85kg.

Dans mon cas, je fais 90kg+ a poil et donc proche des ~100kg à charge, je n’ose même pas calculer le pourcentage que cela représente sur l’ensemble, mais tu peux imaginer très facilement que mes ressorts d’origine se compriment bien plus qu’ils ne le devraient et dans certains cas même tapent sur la butée. C’est le phénomène que l’on appelle talonner. Me concernant, il n’est pas rare que ma suspension AR « pompe » énormément (fait de grands débattements dans les 2 sens) et ma fourche arrive en butée et « tape » dans les gros chocs… c’est parce que le ressort n’est pas adapté !

Le ressort bien sûr pas le seul à incriminer car ses mouvements sont freinés par un amortisseur. Je te le présente ci-dessous :

  • Amortisseur : 

C’est le second élément d’une suspension. Son rôle est d’amortir (comme son nom l’indique) la compression et la détente du ressort. En effet, lorsque le ressort se comprime, vu que sa raideur est fixe, plus le choc à absorber est important, plus l’énergie transmise au ressort est forte et plus il va se comprimer. Idem côté détente : plus le ressort à emmagasiné de l’énergie, plus il en restitue ! L’objectif de l’amortisseur est de contrôler le mouvement du ressort pour que l’énergie qu’il emmagasine / restitue le soit de manière plus linéaire. Cela évite les mouvements incontrôlés du ressort, apporte du confort au pilote, évite les mouvements brusques des masses et améliore la tenue de cap du véhicule.

D’une manière très basique (car il existe de nombreux montages différents), un amortisseur est composé de 2 parties ayant les ancrages sur le véhicule. L’une de ces parties est attachée à une tige et a un piston au bout de cette tige, l’autre partie étant une chambre à volume fixe et étanche pleine d’huile dans laquelle le piston peut bouger. Lorsque l’amortisseur est en mouvement, le piston bouge dans la chambre et compresse l’huile d’un côté. La pression devenant alors forte dans la chambre, l’huile s’échappe en passant au travers de petits clapets situés sur le piston pour aller dans l’autre partie de la chambre étant en dépression.

L’épaisseur de l’huile (viscosité) comme la taille les clapets dans le piston constituent les éléments qui vont conditionner +/- le freinage du mouvement du piston et donc de la tige.

Image d’archive – schéma d’un amortisseur

Alors évidemment, ceci et une vue très simplifiée mais le principe de fonctionnement est toujours le même : lors du mouvement de suspension, le piston bouge dans la chambre et le flux d’huile à travers les clapets freine les phases de compression et détente du ressort. Je précise que sur une fourche, c’est le même principe de fonctionnement.

Maintenant que je t’ai présenté les 2 éléments, parlons des réglages. Sur certaines suspensions, c’est bien simple, tu n’as aucun réglage. Si tu reprends l’exemple de la suspension de voiture ci-dessus, le réglage est « intégré » dans la fabrication de la pièce : le ressort a une raideur définie par le constructeur et l’amortisseur ses capacités de freinage des flux d’huile et c’est tout. En moto c’est aussi le cas sur les anciennes motos et les motos aux suspensions « bas de gamme » de Mr tout le monde.

Sur nos motos d’enduro récentes c’est différent. En effet les constructeurs se tirent la bourre pour que les motos soient de plus en plus « ready to race » ou « compétitives » en sortie de magasin et mettent des suspensions de meilleure qualité années après années. L’objectif étant que dès la sortie de magasin, un pilote de ligue puisse aller faire sa compèt sans pour autant dépenser une fortune dans un kit de suspensions usine. Par exemple les ensembles Kayaba chez Sherco ou Beta le permettent largement, chez les autrichiennes KTM / Husqvarna ou GasGas, les ensembles WP sont un peu en retrait et nécessitent un peu de tuning… Bref, tu l’as compris, en enduro on a de quoi régler ses suspensions et si tu as un niveau comme le mien, tu verras vite que c’est assez utile !!

Pour ne parler que de ma katoche, ce ne sont pas moins de 4 réglages principaux mis à ma disposition sur les fourches et suspensions arrières. Je précise principaux car il y a d’autres réglages que je vais te détailler plus bas.

  • Réglage n°1 : Avoir le bon ressort !

C’est un truc tout con et ce n’est pas vraiment un réglage, mais c’est l’élément n°1 à regarder lors d’une préparation de ses suspensions. Pour toutes les raisons évoqués ci-dessus, avoir le bon ressort est primordial que ce soit sur la fourche ou l’amorto AR pour avoir un bon fonctionnement de ta suspension.

Il te sera impossible d’avoir un amortisseur qui réagit correctement et qui soit réglé correctement si ton ressort n’est pas le bon. Alors s’il y a bien quelque chose à modifier en premier, c’est bien lui !!!

Pour savoir si ton ressort est le bon, tu peux t’aider de ta notice constructeur qui va te guider sur le modèle de ressort en fonction de ton poids. Tu as aussi la mesure de l’enfoncement de la moto (appelé « SAG » outre atlantique) qui peut t’aider… Je ne t’en dis pas plus et te laisserai découvrir l’article de la semaine prochaine à ce sujet car aujourd’hui je ne parle que des réglages de la suspension elle même !!

  • Réglage n°2 : La pré-charge du ressort.

Tu imagines bien que ton ressort n’est pas libre dans tes suspensions. Ton ressort est forcément un peu comprimé alors que ta suspension n’est même pas montée sur ta moto. On appelle cela la pré-charge du ressort.

Je suis sûr que tu as déjà entendu parler du réglage de la précontrainte également. Hé bien c’est pareil ! Souvent ce réglage est associé à la modification du poids à sur la moto. Par exemple quand on roule avec un passager et/ou des bagages, on va avoir tendance à ajouter de la précharge au ressort sur l’amortisseur AR. Dans les faits cela va relever un peu la moto de l’arrière car on va compresser un peu plus le ressort (il va donc restituer un peu plus d’énergie en position initiale) et cela va très légèrement aider à encaisser l’augmentation de poids. Cependant faut pas rêver, la moto ne s’en retrouve pas transfigurée car on ne change pas la caractéristique technique du ressort !

Côté enduro, le réglage du pré-charge sur est important car il va notamment conditionner notre fameuse mesure de « SAG »… RDV la semaine prochaine pour en savoir plus !!

Nous venons de voir les réglages plutôt liés au ressort. Maintenant regardons les réglages liés au freinage du mouvement de celui-ci.

  • Réglage n°3 : La compression.

Ici il s’agit d’un réglage qui va permettre d’augmenter ou diminuer le flux d’huile qui va passer à travers le piston lorsque la suspension est en mouvement de compression. Sur une moto, c’est souvent une molette ou une vis que l’on serre (serrer = freiner le passage d’huile = durcissement de l’amortissement).

Si l’on durcit la compression, on aura un ressort qui mettra plus de temps à se comprimer et quelque part l’énergie du choc sera moins bien absorbée par la suspension. C’est utile de durcir lorsque l’on a de gros chocs à absorber, à l’inverse on va perdre en confort car nos bras vont prendre plus de chocs.

Sur route on va avoir tendance à durcir pour augmenter la tenue de route, en enduro ce n’est pas forcément vrai car un amortissement trop dur peut vous faire perdre plus facilement l’avant et donc la confiance que vous avez sur le train avant … il faut trouver le bon dosage entre confort, confiance et chocs absorbés !

Petite parenthèse : sur les amortisseurs AR on trouve maintenant 2 réglages de compression : compression petite vitesse et compression grande vitesse. C’est la raison pour laquelle nous avons une bonbonne de gaz sur les amortisseurs en plus de l’huile. Nous avons une partie de l’amortisseur qui va se déclencher uniquement sur les petits chocs (petite vitesse) et une autre sur les gros chocs (grande vitesse). Je ne rentrerai pas dans les détails ici mais il est possible de trouver + d’infos sur internet sur le sujet !

  • Réglage n°4 : La détente.

Pour terminer, on va parler du réglage de la détente. Si tu as tout compris sur les réglages précédents, tu imagines bien que la détente est le réglage « inverse » de la compression, il s’agit donc du réglage qui va conditionner le retour de l’amortisseur dans sa position initiale. Comme pour la compression, la détente se règle également via une vis ou une molette et par clics (plus on freine plus le passage d’huile = plus on ralenti le mouvement de détente) !

Au sujet des effets sur le réglage, on va plutôt chercher à libérer la détente pour conserver de la stabilité et conserver de la motricité sur terrain sec. A l’inverse, si la sensation que l’on a est que la moto « rebondit trop » ou bien que les conditions sont plus meubles (comme rouler dans le sable), alors il faut réduire la détente.

Gardes à l’esprit que le réglage de l’un conditionne forcément l’autre. Alors pour régler au mieux, je te conseille d’attendre la semaine prochaine pour avoir mes préconisations !

Ha si, dernier point. Si tu veux en savoir plus sur les réglages de compression et détente d’origine sur la KTM 350 EXC-F, je t’invite à (re)lire cet article. Aller bonne semaine à toi et bon préparatifs pour Noël ! Bye !!

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